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Le début d’année a été marqué par une hausse de la part des énergies renouvelables (EnR) en parallèle d’une baisse de la demande due à la crise sanitaire. Quelles sont les conséquences sur le système électrique et le financement public des EnR ?

L’hiver doux suivi de la baisse de l’activité économique, due à la crise sanitaire, a entraîné une baisse de la consommation d’électricité de près de 15% durant le confinement, en France et dans ses pays frontaliers. La consommation était, fin juin, encore 10% en-dessous du niveau habituel, alors que l’activité économique redémarrait doucement (voir rapport de l’AIE). La production électrique renouvelable a par ailleurs été excellente durant le premier semestre de 2020, avec des conditions de vent et de soleil favorables. Ainsi, la part des EnR variables en France a oscillé entre 10 et 13% entre février et mai 2020 en moyenne mensuelle, avec des périodes prolongées pendant lesquelles elles ont représenté plus de 30%. La production nucléaire a quant à elle baissé sur l’ensemble de la période, bien que le solde français des échanges commerciaux soit resté largement exportateur, peu affecté par le contexte de la crise sanitaire (RTE éCO2mix et mensuels de l’électricité).
Conséquence directe de ces observations, le prix spot moyen mensuel a atteint son niveau le plus bas en avril 2020 à 13,5€/MWh, alors que le prix moyen de l’année 2019 se situait à 39,45€/MWh, une année également marquée par un hiver doux et des prix des combustibles bas (gaz et charbon, voir le Bilan électrique 2019 de RTE). Le soutien aux EnR, dont le niveau varie en fonction du prix de marché selon le mécanisme des compléments de rémunération, va ainsi mécaniquement augmenter.
Selon les estimations de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) mises à jour pour 2020, le soutien aux énergies éolienne et solaire photovoltaïque (PV) s’établirait à 4,9 milliards d’euros contre 4,3 milliards d’euros en 2019 (voir son évaluation des charges de service public au titre de l’année 2021). Notre estimation sur la base de l’outil d’évaluation du besoin de soutien public des EnR électriques était de 4,5 milliards d’euros pour 2020. Une actualisation de ces estimations autour de la trajectoire de la PPE permet d’évaluer le besoin de financement à 4,8 milliards d’euros pour un prix de marché moyen annuel de 39,45€/MWh comme en 2019. Il serait de 5,1 milliards d’euros pour un prix moyen de 35€/MWh, confirmant les estimations de la CRE.
Les capacités installées sont chaque année en augmentation et les anciennes installations, notamment solaire PV qui ont fait l’objet de tarifs d’achat anciennement élevés, bénéficient encore du mécanisme de soutien, accordé pour une durée de 20 ans. Ainsi, il n’y a rien de surprenant à ce que le montant global augmente d’une année sur l’autre sur les prochaines années. Notre analyse avait montré que la France pourrait accroitre la part des EnR dans son mix électrique en 2040 à 60% tout en atteignant, en 2025, son pic de soutien public à 6,5 milliards d’euros par an (à prix courants). Ce montant diminuerait rapidement après 2030 avec la sortie des anciennes installations du mécanisme de soutien. En effet, deux tiers du soutien public correspondrait aux projets éoliens et solaires attribués avant 2018, alors que la mise en service des nouveaux projets, notamment solaire PV au sol et éolien en mer, devrait avoir un coût fortement réduit, voire négligeable. Les derniers appels d’offres en France ont en effet été attribués à un prix moyen pondéré de 56,3 €/MWh pour le solaire PV au sol de grande taille (7e période) et de 62,2 €/MWh pour l’éolien terrestre (5e période), et une baisse continue des coûts est attendue.
L’évolution des prix de marché, dont dépend la rémunération des opérateurs et le soutien public aux EnR, dépend de manière générale de l’équilibre global du système électrique, en France et dans les pays voisins. Selon l’étude Agora-Iddri sur les impacts croisés des choix de la France et de l‘Allemagne sur le nucléaire et le charbon dans le contexte du développement des énergies renouvelables (2018), à trajectoire égale de sortie du charbon en Allemagne, le développement en France des EnR selon la trajectoire prévue par la PPE combiné avec le maintien d’un parc nucléaire supérieur à 40 GW augmenterait les exportations d'électricité. La rentabilité d'un parc nucléaire supérieur à 50 GW dans ce même contexte ne serait pas assurée en 2030, malgré une augmentation des capacités d'exports françaises. En effet, un niveau maintenu croissant de capacités nucléaires françaises impacterait les prix de marché moyens d’environ 5€/MWh en Allemagne, et de plus de 30€/MWh en France.
Le bon dimensionnement du système électrique est donc crucial au soutien d’un prix moyen de marché stable, assurant une rémunération suffisante pour tous les opérateurs. Bien estimer les besoins et coordonner les efforts avec les pays voisins contribuera à une meilleure gouvernance de la transition énergétique, tout en minimisant les coûts.
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