L’ambition climatique de l’UE à l’horizon 2030, grande oubliée du sommet européen

Quel devrait être le rôle de la tarification du CO₂ dans la prochaine politique climatique de l’UE ? L’accomplissement de l’objectif climatique du bloc pour 2030 dépend-il des États membres ou des politiques paneuropéennes ? À qui devraient profiter les fonds alloués ? La nouvelle étude d’Agora Energiewende analyse les éléments clés du paquet dit « Ajustement à l’objectif 55 » qui auraient dû être abordés par le Conseil européen le 25 et 26 mars.

En juin, la Commission européenne présentera un paquet législatif intitulé « Ajustement à l’objectif 55 » assorti de mesures nouvelles et renforcées visant à atteindre l’objectif de l’EU : réduire d’au moins 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Toutefois, les décisions politiques fondamentales qui devraient être discutées en vue de la présentation du paquet ne figurent pas à l’ordre du jour du Conseil européen, contrairement à ce qui a été annoncé en décembre 2020. Dans sa nouvelle étude, Agora Energiewende met en évidence la façon dont nous pourrions atteindre un objectif climatique plus ambitieux tout en tenant compte de deux enjeux majeurs : l’identification d’une combinaison d’instruments politiques efficace et la répartition équitable des charges.

Bien que l’UE ait décidé de porter à 55 % sa réduction des gaz à effet de serre d’ici à 2030, elle semble mal engagée pour atteindre son objectif. En l’état actuel des choses, la Commission européenne prévoit un écart de 10 % au moins en 2030 par rapport aux ambitions dévoilées. Il convient donc de lancer des actions rapides et décisives à travers l’ensemble des secteurs de l’économie européenne pour atteindre l’objectif fixé à l’horizon 2030 et viser la neutralité carbone d’ici à 2050. Le nouveau budget septennal de l’UE contribuera certes à la réduction des émissions, mais une révision de la législation climatique et énergétique est également nécessaire à l’échelle européenne.

Dans ce contexte, les projecteurs sont braqués sur le système d’échange de quotas d’émissions de l’UE (SCEQE-UE) et sa capacité à accélérer et à renforcer les réductions d’émissions attendues pour 2030. La Commission européenne examine actuellement le rôle que pourrait jouer un dispositif semblable appliqué aux combustibles de chauffage et aux carburants de transport pour atteindre ces objectifs. À cela s’ajoute le renforcement des instruments européens déjà en place, comme les normes d’émissions de CO₂ pour les véhicules. Cependant, ces discussions soulèvent plusieurs inquiétudes du côté de la société civile, des groupes industriels et des nations européennes plus pauvres, qui craignent des répercussions concurrentielles et distributives éventuelles.

L’étude d’Agora Energiewende « A “Fit for 55″ package based on environmental integrity and solidarity » examine quatre possibilités pour réglementer les émissions des bâtiments et des transports dans la nouvelle architecture climatique européenne. Soutenu par l’Ecologic Institute, le rapport se concentre sur les avantages et les inconvénients de l’expansion du marché du carbone à ces secteurs comparés au renforcement des objectifs climatiques nationaux en vertu du règlement sur la répartition de l’effort (RRE UE).

« Chaque option présente des avantages et des inconvénients, certaines d’entre elles doivent être traitées au sein de stratégies parallèles. Cependant, afin de garantir l’intégrité environnementale et l’accomplissement de l’objectif climatique, les États membres devront déterminer précisément qui est responsable de la réduction des émissions et qui sera pointé du doigt si les objectifs ne sont pas atteints », a déclaré le Dr Patrick Graichen, directeur général d’Agora Energiewende. « Ces sujets sont certes complexes sur le plan politique, mais les leaders européens ne peuvent pas fuir devant les décisions à prendre. Le temps presse, nous avons besoin qu’un paquet “Ajustement à l’objectif 55” ambitieux soit présenté en juin de cette année ! » a-t-il renchéri.

L’étude montre également que le prix du carbone nécessite l’élaboration de politiques parallèles solides pour s’assurer de pouvoir atteindre l’objectif à l’horizon 2030. La tarification du carbone dans les secteurs du chauffage et des transports peut jouer un rôle essentiel, permettant de réduire les émissions des véhicules et des systèmes de chauffage, de soutenir la rentabilité des technologies vertes et d’augmenter les recettes des investissements propres. Mais davantage de stratégies devront être mises sur pied pour rendre l’économie européenne climatiquement neutre avant 2030.

« Le paquet climatique “Ajustement à l’objectif 55” devra s’atteler à bien plus de sujets que la tarification du carbone. Pour garantir l’accomplissement de l’objectif à 55 %, les États membres doivent renforcer les stratégies européennes afférentes, y compris les normes d’émissions de CO₂ pour les véhicules, les codes de construction, ou les programmes de soutien aux réseaux de chauffage bas carbone. Ensuite, seulement, les consommateurs pourront bénéficier des options à faible teneur en carbone dont ils ont besoin pour répondre à la hausse des prix du carbone en réduisant leurs émissions », a fait savoir M. Graichen.

Enfin, en vue de garantir l’équité, les décideurs politiques doivent non seulement prendre en compte les différents niveaux de revenus des foyers à travers l’UE, mais également les différents niveaux de vulnérabilité face à la montée du prix du carbone. Une tarification du carbone plus élevée dans les activités de chauffage entraînera des répercussions relativement plus importantes sur les pays à faibles revenus en Europe de l’Est. De même, une tarification plus élevée du carbone dans le SCEQE-UE en raison de l’expansion du marché du carbone aux secteurs du chauffage et des transports engendrera une charge non négligeable sur certaines parties de l’industrie. Une façon de minimiser les effets distributifs consiste à réorienter les recettes du marché du carbone vers des parties particulièrement touchées, par exemple par le biais de paiements forfaitaires aux foyers ou d’aides aux investissements ciblées pour les foyers vulnérables et les États membres à faibles revenus.

« Les répercussions distributives représentent un enjeu de taille, mais il existe des solutions pour les atténuer. Mais pour ce faire, 100 % des recettes de la tarification du carbone dans les secteurs du chauffage et des transports devraient être reversés aux consommateurs d’une façon ou d’une autre », a expliqué M. Graichen. « Nous ne pourrons atteindre notre objectif climatique qu’en imbriquant l’intégrité environnementale à la justice sociale, en particulier dans les secteurs de la construction et des transports ».

Cette étude Impulse d’Agora Energiewende, « A “Fit for 55” Package Based on Environmental Integrity and Solidarity », a été réalisée en partenariat avec l’Ecologic Institute. La publication de 46 pages peut être téléchargée gratuitement ci-dessous.

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Claire Stam

Claire Stam

Responsable de la communication France et Union européenne (jusqu'en février 2022)

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