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Comment résoudre le dilemme des investissements des industries électro-intensives pour atteindre les objectifs climatiques du secteur

L'Allemagne n'a pas encore adopté une politique ciblée en matière de climat et d'innovation pour l'industrie des matériaux de base. En conséquence, la menace pèse d'un déclin massive des investissements dans ce secteur qui emploie quelque 550 000 personnes. L'objectif européen de neutralité carbone à l'horizon 2050 ne peut être atteint sans une transformation des technologies de production traditionnelles fortement émettrices de CO2 actuellement en place. Toutefois, il manque un cadre solide comportant des incitations claires à investir dans des technologies nouvelles et décarbonées. Dans une nouvelle étude, Agora Energiewende et l'Institut Wuppertal proposent donc un programme d'action immédiat pour les industries sidérurgique, chimique et cimentière. L'objectif de ce programme d'action est de fournir à l'industrie un cadre d'investissement fiable afin qu'elle puisse innover en vue d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Le résumé de l'étude vient d'être publié en anglais.
La demande de réinvestissement dans l'industrie des matières primaires est élevée
« Entre 2020 et 2030, une phase de réinvestissement importante aura lieu dans ce secteur - et c'est une grande chance pour la protection du climat », déclare le professeur Manfred Fischedick, vice-président de l'Institut Wuppertal. Au cours des dix prochaines années, plus de la moitié des installations électro-intensives dans l'industrie sidérurgique et chimique devront être remplacées, et près d'un tiers dans l'industrie du ciment. Le « European Green Deal » de la Présidente de la Commission Ursula von der Leyen reflète l'importance d'initier la transformation de l'industrie européenne vers la neutralité carbone. En 2020, la Commission lancera un certain nombre d'initiatives, en se concentrant dans un premier temps sur la production d'acier décarboné et en stimulant les marchés pilotes pour les produits au bilan carbone neutre et recyclés dans les secteurs industriels électro-intensifs. La nouvelle étude de Agora Energiewende et de l'Institut Wuppertal fournit un point de référence solide pour ces initiatives européennes. « Pour pouvoir réaliser des investissements orientés vers l'avenir, les entreprises ont besoin d'un nouvel environnement réglementaire. Dans le cas contraire, les investissements se feront possiblement trop tardivement, ou nous ferons face au risque que de mauvaises décisions soient prises avec un effet de verrouillage à long-terme », prévient le professeur Fischedick. Les usines de fabrication ayant une durée de vie de plus de 50 ans, les usines conventionnelles construites aujourd'hui rejetteraient dans l'air de grandes quantités de gaz à effet de serre bien après 2050 - alors que le gouvernement prévoit la neutralité carbone pour l'Allemagne d'ici 2050. L'industrie des matériaux de base est actuellement réticente à faire de nouveaux investissements, car elle craint que les nouvelles installations ne soient pas autorisées à fonctionner jusqu'à la fin de leur durée de vie utile.
L'industrie des matériaux de base à forte intensité énergétique est responsable d'un cinquième des émissions de CO2 en Allemagne.
L'industrie électro-intensive des matériaux de base ne peut être ignorée lorsqu'il s'agit de la protection du climat : elle est responsable de plus d'un cinquième des émissions allemandes de gaz à effet de serre. Elle doit réduire ses émissions de 180 millions de tonnes pour devenir quasiment neutre d'ici 2050. Alors que le niveau des émissions ait été relativement stable ces dernières années, réduire les émissions d'autant nécessitera un changement du secteur à grande échelle. « Le secteur a accru son efficacité énergétique. Mais ce qu'il faut, c'est une transformation radicale vers des technologies à faible contenu carbone », déclare Patrick Graichen, directeur d'Agora Energiewende. Selon l'étude, le recours accru à l'électricité d'origine renouvelable et à l'hydrogène constitue une étape importante. Ces deux technologies peuvent remplacer le charbon, le pétrole et le gaz naturel dans les industries sidérurgiques et chimiques. Dans l'industrie du ciment, le captage et le stockage du carbone (CSC) est à ce stade indispensable, à moins qu'une percée dans les matériaux de construction alternatifs ne soit réalisée, car de grandes quantités de dioxyde de carbone sont émises lorsque le calcaire est chauffé pour la production de ciment.
Il existe déjà de nombreux projets pilotes liés à l'électrification, à la production à base d'hydrogène et au CSC dans le secteur du ciment. « Ces technologies clés doivent maintenant être transposées à l'échelle industrielle afin de réduire l'impact climatique tout en faisant de l'industrie des matériaux de base un pionnier mondial des technologies de production durable. Sur le plan international, le secteur allemand de la construction d'installations industrielles disposerait ainsi d'un énorme potentiel », déclare M. Graichen. « Avec des conditions réglementaires adéquates, le développement et la construction de ces installations seront également rentables à long terme pour les industries », ajoute le professeur Fischedick. « En même temps, il est important de maintenir la compétitivité de l'industrie allemande. Il ne serait utile pour personne de devenir vert mais de perdre notre forte position concurrentielle sur le marché mondial, de sorte que la production industrielle migrerait à l'étranger ».
Les sept mesures du programme d'action immédiate
L'étude propose sept mesures qui peuvent être mises en œuvre rapidement :
- Introduire un soutien de l'État à des processus de production durables à travers des contrats pour la différence (Carbon Contract for Difference (CfD)) dans les secteurs de l'acier, de la chimie et du ciment. Le montant du financement serait à déterminer par voie d'appel d'offres.
- Introduire une taxe climatique sur les produits finis tels que l'acier, l'aluminium, le ciment et les plastiques dont les revenus seraient affectés au financement des CfD.
- Engager l'Etat à utiliser des matériaux et des véhicules durables et à faible contenu carbone pour les achats publics (grands projets d'infrastructure, transports publics...).
- Introduire un quota d'hydrogène vert sur les ventes de gaz naturel. Cela contribuera à favoriser la construction d'installations de production d'hydrogène vert.
- Promouvoir l'adoption du recyclage dans les processus de production afin de réduire l'incinération des déchets et l'utilisation de nouvelles matières premières.
- Coordonner ces activités au niveau européen par l'introduction de ces instruments également au niveau de l'UE.
- Le gouvernement fédéral devrait plaider en faveur d'un prix mondial du CO2 au niveau de l'ONU.
L'étude sur l'industrie durable a été réalisée en consultation avec les entreprises et associations industrielles, notamment dans le cadre de nombreux ateliers et d'entretiens individuels, afin que l'étude tienne compte des conditions sur le terrain. Ces entretiens ont permis de souligner que l'industrie est prête à relever de manière proactive le défi climatique. Toutefois, l'absence d'un environnement réglementaire favorable et la volonté insuffisante des décideurs politiques de mettre en œuvre des instruments politiques innovants les ont empêché jusque-là de prendre les devants.
L'étude a été réalisée avec le soutien de la société de conseil Navigant, du cabinet d'avocats Becker Büttner Held et de l'Institut pour la protection du climat, l'énergie et la mobilité. Un résumé de l'étude en anglais peut être téléchargé ci-dessous. L'étude complète en allemand ainsi qu'une évaluation juridique des instruments politiques et une présentation détaillée des technologies à faible contenu CO2 peuvent être téléchaargées ici.