Réévaluation des objectifs climatiques nationaux en ligne avec le nouvel objectif européen

L'écart entre les objectifs climatiques nationaux actuels et requis commence à être comblé. L’action en faveur du climat doit suivre.

L'accord provisoire sur une nouvelle loi européenne sur le climat entérine l'objectif climatique européen pour 2030, à savoir une réduction nette des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'au moins 55 % par rapport au niveau de 1990. Celui-ci deviendra donc contraignant dans quelques semaines. La Commission européenne obtient avec ce nouveau cadre juridique le feu vert pour aligner son prochain paquet "Fit for 55" sur cette ambition, et les Etats membres s’engagent à rehausser leurs objectifs nationaux. Une nouvelle analyse de l'Öko-Institut montre qu'environ un tiers des Etats membres ont d’ores et déjà réévalué leurs objectifs nationaux pour s’aligner au nouvel objectif européen. Néanmoins, la révision des stratégies de mise en œuvre est à la traîne. Or il reste moins de 10 ans pour atteindre le nouvel objectif climatique. Les États membres devront rehausser leurs objectifs climatiques nationaux et commencer à réviser leurs plans de mise en œuvre bien avant la conclusion des négociations autour du paquet "Fit for 55".

Fin juin, le Conseil de l'UE et le Parlement européen ont formellement adopté une nouvelle loi européenne sur le climat, qui entérine le nouvel objectif climatique européen pour 2030 : la réduction nette des émissions de GES d'au moins 55 % par rapport à 1990. L'accord précise également comment cet objectif de réduction nette doit être atteint. En particulier, il fixe une contribution maximale des absorptions nettes de -225 Mt CO2eq, correspondant aux niveaux prévus dans l'analyse détaillée des scénarios accompagnant la proposition de nouveaux objectifs de la Commission européenne de septembre 2020. Ainsi, l’accord fournit un cadre permettant d’évaluer les implications probables de ce nouvel objectif communautaire sur la contribution individuelle des Etats membres, ainsi que la manière dont ces objectifs et plans nationaux pourront collectivement atteindre l'objectif communautaire.

Aujourd'hui, Agora Energiewende publie une nouvelle analyse de l'Öko-Institut qui fournit une première estimation des contributions nationales qui pourraient être attendues des Etats membres pour que l'UE atteigne son objectif climatique de 2030, en comparaison avec les objectifs et les projections d'émissions de GES actuels des Etats membres. Le cas particulier de la France a été analysé dans un second billet.  Il a été considéré pour l'analyse que le cadre législatif européen visera a minima à réduire les émissions conformément à l'objectif fixé par la loi européenne sur le climat (-53 %). L'analyse résume et documente également tous les objectifs connus au niveau national pour l'ensemble des secteurs ou pour les secteurs couverts par la législation relative à la répartition de l’effort climatique entre Etats membres (ESR), ainsi que les réductions d'émissions prévues par les mesures planifiées et déclarées par les Etats membres à la Commission européenne.

Deux conclusions essentielles peuvent être tirées de la comparaison entre les objectifs climatiques nationaux estimés et les objectifs et plans déclarés par les États membres :

1. L’écart entre les objectifs climatiques actuels et requis commence à être comblé : le gouvernement allemand sortant ayant récemment décidé de porter l'objectif allemand pour 2030 à -65 % d’émissions de GES par rapport à 1990, l'Allemagne rejoint un groupe restreint mais croissant d'Etats membres ayant des objectifs climatiques nationaux compatibles avec le niveau d'ambition communautaire accru. Ce groupe comprend l'Allemagne, le Danemark, la Finlande, la Grèce, l'Irlande et le Portugal sur la base d'objectifs globaux, auxquels on peut ajouter le Luxembourg, l'Espagne et la Suède sur la base d'objectifs nationaux pour les secteurs ESR. Ces neuf Etats membres ne représentent qu'un tiers des vingt-sept membres de l'UE, mais 40 % de sa population, 47 % de son PIB et 42 % des émissions.

Graphique 1 : Etats membres dont les objectifs nationaux globaux (hors UTCATF) ou des secteurs ESR sont alignés sur le nouvel objectif climatique communautaire.

Source : Agora Energiewende à partir de Öko Institut 2021

2. L’écart entre les mesures en place et celles requises reste malgré tout d'une ampleur inquiétante : les Etats membres sont beaucoup moins nombreux à avoir élaboré des plans nationaux intégrés en matière d'énergie et de climat (PNIEC) assortis de politiques et de mesures permettant d’atteindre l'ambition climatique communautaire rehaussée. À l'heure actuelle, seuls deux Etats membres - la Grèce et le Portugal - ont soumis des PNIEC ou des projections d'émissions futures basée sur une action climatique suffisante. Le cumul des plans actuellement soumis affiche un différentiel de 192 Mt en 2030, soit un écart de 8 points de pourcentage par rapport à l'objectif de réduction d’émissions par rapport à 2005.

Graphique 2 : Etats membres selon l’écart existant entre les politiques et mesures soumises et celles requises pour l’atteinte de l'objectif climatique de l'UE

Source : Agora Energiewende à partir de Öko Institut 2021

Il n'est de fait pas surprenant que la planification des Etats membres ne corresponde pas aujourd'hui à l’action requise pour l’atteinte du nouvel objectif communautaire, étant donné que :

  1. La plupart des plans des Etats membres ont été élaborés avant l'adoption de la nouvelle loi européenne sur le climat ;
  2. Les propositions concrètes de la Commission européenne pour le paquet "Fit-for-55", attendues en partie le 14 juillet 2021, révéleront aux Etats membres les réductions d'émissions qu'ils seront légalement tenus de réaliser dans chaque secteur ainsi que les instruments européens de politique publique qui les aideront à atteindre ces objectifs, tels que les normes d’émissions de CO2 pour les voitures et camionnettes et le système d’échanges de quotas d'émission en cours de réforme ;
  3. Une planification compatible avec le nouvel objectif nécessitera un processus itératif d'analyse, de consultation et d'évaluation afin de garantir que les nouvelles politiques et mesures reflètent non seulement une ambition climatique revue à la hausse, mais aussi des objectifs nationaux complémentaires tels que la compétitivité et la justice sociale.

Néanmoins, l'analyse révèle également que les Etats membres auront fort à faire dans les années à venir pour aligner leurs PNIEC sur le nouvel objectif climatique communautaire. Après des années d'action insuffisante en faveur du climat et alors que les Etats membres disposent de moins de dix ans pour atteindre ces nouveaux objectifs, ils devront agir rapidement pour mettre en place un cadre législatif et des mécanismes de mise en œuvre nécessaires à la réalisation de ces objectifs.

En mettant à jour leurs plans énergie-climat, les Etats membres seront mieux à même d'identifier les priorités en matière de dépenses et d'instruments de politique publique nécessaires pour encourager les investissements dans les technologies propres. Cela est indispensable pour soutenir les projets de transformation à grande échelle, qu'il s'agisse de la rénovation de bâtiments, du déploiement d'une infrastructure de recharge pour véhicules électriques ou de la sortie du charbon en faveur des énergies renouvelables, mais aussi pour éviter le risque d'actifs échoués qui augmenteraient le coût de la transition. De même, les citoyens et les entreprises doivent être préparés à la neutralité climatique et les mesures mises en place doivent leur permettre de s’y conformer. Les investissements réalisés dans le cadre des plans nationaux de relance constituent une première étape vers la réalisation des objectifs rehaussés et auront un impact durable s'ils sont (mal) pilotés.

En vertu du règlement sur la gouvernance de l'UE, les 27 Etats membres ont déjà élaboré leurs PNIEC à l'horizon 2030. Ceux-ci doivent maintenant être mis à jour pour s'assurer de leur cohérence avec le paquet "Fit for 55". Une version préliminaire est attendue avant le 30 juin 2023 pour une finalisation pour le 30 juin 2024 au plus tard, ce qui correspond peu ou prou à la fin probable des négociations sur le paquet "Fit for 55".

Cela laisse deux ans aux Etats membres qui, s’ils sont réellement déterminés à combler leur retard en matière d'action climatique, devraient immédiatement commencer à préparer leurs gouvernements à aligner toutes les politiques et activités gouvernementales sur la nouvelle architecture de la politique climatique de l'UE.

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